mardi 2 décembre 2008

Vous avez le Sida !

Cette phrase, je m'en souviendrais toute ma vie. Un séisme.
Tout a commencé 2 mois plus tôt. Je suis en balade à la montagne et ma gorge commence à me brûler légèrement quand j'inspire et je fais une petite poussée de fièvre. Comme je ne suis pas du genre à crier au loup-garou, j'attends une petite semaine pour aller voir le docteur. Il diagnostique une bronchite. Je prends ces médicaments bien sagement, mais rien n'y fait, ça empire.

1mois et demi plus tard, je respire mal, j'ai des montées de fièvres à 39.5, je grelotte, je sue, je m'essouffle, j'ai des éruptions cutanées de la tête aux pieds et j'ai de plus en plus de mal à parler. Thomas, mon compagnon, finit par appeler SOS Médecin. Pas plus inquiet que moi, il part au boulot et moi, j'attends. Quand le docteur arrive, son diagnostic ne se fait pas attendre. En 1minute30, il me parle de pneumopathie et d'Urgences. Il appelle de suite une ambulance et me somme de prendre quelques affaires.
Je suis éberluée. J'en reste sans voix
-Les urgences ? Ah ui ? Prendre des affaires ? Mais quoi? je comprends pas...
Je erre dans l'appart et parvient à choper ma brosse à dent, une culotte et une paire de chaussette. Le dentifrice,ça attendra...

30 minutes plus tard, je suis aux urgences sous respirateur. Thomas m'a rejoint. P'tain, sous respirateur, mais qu'est-ce qui se passe ? J'ai tellement été toute ma vie en bonne santé, que je ne m'inquiète pas plus que ça, je me dis que dans 2 heures, je suis rentrée. Au lieu de ça, on me transfère à 1 heure du matin en pneumologie.
Et pendant 3 jours, les médecins de la terre entière vont se relayer pour me poser des questions. Ils sont parfois à 5 dans ma chambre à tenter de pronostiquer des trucs. A ce moment là, je suis toujours sous respirateur. J'ai du mal à me déplacer mais je me force à me lever pour aller pisser même s'il m'en coûte un essoufflement hallucinant. Je veux pas pisser dans le pot. Tous les matins, je demande l'aide d'une infirmière pour me laver. Chaque geste me coûte. Comment j'ai fait pour en arriver là ? Quand j'y repense...je n'avais absolument pas conscience que j'allais crever. Et c'est peut-être ça qui m'a fait tenir, qui m'a fait me lever tous les matins. J'attendais sagement que les médecins donnent leur verdict. Bien sagement. J'ai eu tous les examens du monde entier. Check-up complet. Les prises de sang, le truc dans le nez, dans la gorge, les radios en veux-tu en voilà...Je n'ai jamais protester.
3 jours plus tard, cette jeune infirmière, la brune aux cheveux courts avec ses grands yeux bleus, entre dans ma chambre. Si j'avais su le séisme intergalactique qui allait suivre... Elle s'assoit sur mon lit. Prend son inspiration et commence :
-Nous avons enfin trouvé ce que vous avez. Nous allons pouvoir vous soigner. Vous avez fait une maladie opportuniste liée à un virus que nous avons découvert.
Elle s'arrête un moment. Le temps s'est arrêté.
- Vous avez le sida !
Comment vous expliquez ce vide qui d'un seul coup s'ouvre sous mes pieds ?Je suis suspendu au-dessus d'un trou béant, un trou noir. Je crève de peur qu'on me lâche là-dedans. Mon cerveau se brouille. Seuls 5 syllabes s'échappent : C'EST PAS PO SSI BLE !
Je n'entends plus le médecin :
-On va refaire un test pour confirmer le diagnostic mais il y a peu de chances qu'on se soit trompé.
-C'EST PAS PO SSI BLE !
-On ne meurt plus du sida aujourd'hui
-PAS-PO-SSI-BLE
-Les traitements sont efficaces
-NOOOOOOON
-On va mettre en place un traitement pour soigner votre pneumopathie
-PUTAIIIIIN... C'EST PAS PO SSI BLE !
Elle finit par me demander si j'ai une idée sur cette transmission, si j'ai déjà été transfusée.
- Bah non... ça doit être une transmission sexuelle.
Et là je pense à Thomas. Pas une seule seconde, je n'ai pensé que c'était de sa faute. Je savais que c'était moi, je savais que j'avais déconné. ça fait 2 ans que je suis avec lui. Je ne l'ai jamais trompé. ça doit remonter à avant. Putaiiiin, ça se trouve je l'ai contaminé.

Le soir, Thomas est là. Je suis dans ses bras. je ne lui dis rien. Je lui répète mon amour en me disant qu'il partira quand il saura. Il doit partir. Je vais mourir. Il est jeune. Il doit refaire sa vie avec une autre fille. Il mérite d'être heureux. Je l'embrasse sur ses lèvres douces en me disant que c'est peut-être la dernière fois.
Le lendemain, il se jettera dans mes bras en pleurs quand je lui annoncerai. Il ne veut pas partir.
On lui fait rapidement une prise de sang.
Il n'est pas contaminé. Un miracle !

6 commentaires:

  1. Bonjour, tes témoignages sont très touchants,
    merci de nous les faire partager

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  2. bonjour,
    J'ai appris ma séropositivité en 1987, j'avais alors 22 ans...Tout comme toi (et ton texte m'a rappelé bien des souvenirs),le ciel m'est tombé sur la tête. J'ai été tout d'abord incapable d'y croire, puis je me suis considérée comme une morte en sursie, complètement vidée de l'envie de vivre et amputée de tout projet d'avenir. J'ai quitté mon ami (je ne lui ai pas laissé le choix) avec qui je vivais depuis 4 ans et qui, lui aussi, était miraculeusement préservé,celà pour les mêmes raisons que tu as invoqué. A cette époque, les cas étaient encore relativement rares, ou du moins très bien cachés! A démarré pour moi une période (très dure) ou me croyant perdue, j'ai fait tout et n'importe quoi, renonçant entre autre à me faire suivre médicalement. Puis force m'a été de constater que finalement, la vie n'avait pas l'intention de me laisser tomber si facilement... Les histoires d'amour étaient pour moi devenue difficiles: comment et quand avouer à un garçon qui vous plait que vous abritez un virus qui fait si peur?
    Pourtant, un jour, un homme a su m'aimer suffisemment pour affronter cette peur, qu'il a fini par apprivoiser pour finalement oublier.
    Quelque temps plus tard,en 1994, à la suite d'un "accident de préservatif", je suis tombée enceinte et là encore la peur est réapparue... Je rappelle qu'à cette époque, on ne connaissait pas encore grand chose de la contamination mère-enfant. Après bien des reflextions et des nuits blanches, nous avons décidés de garder cet enfant, mon petit miracle qui a aujourd'hui 14 ans et se porte comme un charme! J'ai entamé au début de cette année un traitement devenu necessaire(au bout de 20 ans de séropositivité sans en avoir besoin... je m'estime chanceuse, c'est sûr!),que je tolère très bien, malgré des débuts un peu difficiles...
    A présent j'ai bientôt 45 ans, un homme qui m'aime et que j'aime, un fils formidable, des tas d'amis qui n'ignorent rien de ma situation, j'aime voyager, danser, rire, faire la fête...bref, je suis heureuse autant qu'on peut rêver de l'être.
    Bravo à toi pour ce blog, Elisabeth, très bien écrit, sensible et surtout d'une grande utilité.
    Je t'embrasse bien fort,
    christine

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  3. tes ecris sont tres touchant,courage a tous et toutes,bisous

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  4. Bonjour. Moi j'ai eu la peur de ma vie dans l'attente de mes résultats, c'est horrible. Toutefois entre temps, je me suis documenté sur le sujet, donc j'aimerai savoir, hormis le soutien financier, comment peut-on vous aider, car vous le méritez, vous êtes d héros d temps modernes, peu ou prou reconnus ?

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    1. Bonjour,
      C'est très gentil de demander ça. Mais je n'ai besoin de rien. Ce sont les personnes qui n'ont pas accès aux soins qu'il faudrait aider. Je suis une privilégiée dans ce système et dans cette maladie. Aujourd'hui, je vais bien, j'ai 2 enfants merveilleux, un homme qui m'aime et quasiment pas d'effets secondaires. Que demander de plus?
      Merci encore pour cette jolie attention.
      E.

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  5. D'abord mille excuses pour le retard de ma réponse! Toutefois, tes témoignages sont édifiants, pour ceux qui sont en bonne santé, cela permet de relativiser de voir un tel optimisme, une telle joie de vivre, bon gré mal gré, merci pour cette leçon de vie que tu nous livre, que Dieu puisse multiplier enore les années de ta vie ! Garde cette rage de vaincre et de t'en sorir, et tous mes voeux de bonheur pour ta famille et toi. Tu es un être exceptionnel !

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