mardi 27 octobre 2009

Flash back

En ce moment, je repense beaucoup à mon séjour à l'hôpital. Quand j'ai appris que j'étais séropositive.
Je me remémore les personnes que j'y ai croisées. Je me rappelle Thomas, je réalise combien ça a dû être dur pour lui. D'abord de croire que j'allais mourir, ensuite que j'avais le sida... La journée, il était au travail et les soirées, il les passait dans mes bras, sur un tout petit lit d'hôpital. De ma chambre, je le voyais arriver. Je souriais avant même qu'il ouvre la porte.

Je sentais que dans le service, on était un peu chouchouté. Nous voir, petit couple d'amoureux enlacé tous les soirs, ça devait les toucher, on devait leur paraitre mignon.

Je me souviens de ce médecin, que je vais appeler Docteur Leclerc parce qu'elle ressemblait à mon institutrice de CP du même nom : Grande, fluette, avec de longs doigts, les cheveux grisonnants, un regard bienveillant. Elle dirigeait le service de pneumologie (j'ai connu le service des maladies infectieuses plus tard).
Nous sommes restés environ 3 jours sans savoir ce que j'avais. Quand nous avons enfin eu le verdict. Il a fallu faire une prise de sang à Thomas. Il était un peu anxieux en attendant les résultats.

Quand le Docteur Leclerc a eu les résultats,elle a voulu lui annoncer en tête-à-tête, sans moi.
Ils sont allés dans son bureau. "Négatif ! Vous êtes séronégatif". Incroyable !
Thomas en a pleuré dans le bureau du Docteur. Et ce médecin avait tellement d'empathie, qu'elle en a pleuré aussi. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouve ça dingue.

D'ailleurs Thomas veut aller lui présenter Nanard quand il sera là. Lui montrer le chemin qu'on a parcouru, lui montrer qu'on se bat, que tout va bien malgré les angoisses.

lundi 19 octobre 2009

L'amniocentèse ou que faire dire aux chiffres ?

Nanard est un garçon. Je l'ai appris la semaine dernière.
L'échographie est un moment qui ne devrait être que du bonheur.
Pas pour moi, ni Thomas. Pas cette fois-ci.

Tout a commencé par le RDV avec notre médecin.
Un mois plus tôt, j'avais fait la prise de sang pour déterminer le risque de trisomie de mon enfant.
Les résultats sont borderlines, mais sous le seuil acceptable.
Autrement dit j'ai un risque de 1/245 d'avoir un enfant trisomique. Le seuil au delà duquel, il n'y a pas de raison de s'inquiéter est de 1/250.
Pour 6 malheureux petits points, on me laisse le choix de l'amniocentèse.
"On vous propose l'amniocentèse, Elisabeth.A vous de choisir ?"
L'amniocentèse, c'est une malchance sur 100 de perdre le fœtus.

Je pleure. Évidemment.

Je passe l'échographie dans des larmes d'angoisses. Le médecin est une spécialiste, elle mesure tout ce qu'elle peut, les pieds, les mains, le cœur, le fémur....
Résultat de l'échographie : Aucune indication ne permet d'affirmer une malformation quelconque.
Efficacité d'une échographie : 80%.
Soit 20% de malchances de se tromper.

Je résume.
1 risque de 1/245 d'avoir un enfant trisomique. Soit 1 enfant sur 993 (ou 996, je ne sais plus, mais restons sur ce chiffre). Soit sous le seuil d'acceptabilité de 6 points.
80% de chance que le fœtus ne soit pas trisomique.
1% de malchance de le perdre en faisant une amniocentèse.

A moi de choisir : je prends le risque de le perdre ou le risque qu'il soit trisomique ?
Statistiquement le risque de le perdre est plus élevée que celui qu'il soit trisomique.
Personnellement, je ne veux absolument pas d'enfant trisomique. J'admire les parents qui acceptent cette fatalité. Mais je ne me sens absolument pas de l'assumer.

J'aurai eu 1/251, la question ne se posait pas. Incroyable.

Et le VIH dans l'amniocentèse ?
D'après le médecin, le risque de le contaminer pendant cet acte médical est inférieur à 1%.
Je serai sous perfusion rétrovirale, et mes copies sont actuellement sous la barre des 20. C'est très très bien.
En fait, elle s'inquiète plus du risque de fausse-couche que du risque de contamination, car il est plus grand pour elle.

Et Thomas ?
Il pleure avec moi.
Pourquoi ne pouvons-nous pas être heureux pleinement? Pourquoi faut-il choisir ?
Il veut croire que les chiffres disent que tout va bien. Que le risque est borderline par rapport à une moyenne, mais que l'écho nous conforte dans le fait que le fœtus soit normal.
Le risque de 1% de le contaminer, nous l'avons pris. Alors pourquoi prendre le 1% de risque de le perdre pour des chiffres borderlines, infirmés par une échographie pratiquée par une spécialiste ?
Mais le doute subsiste.

Cette épreuve, nous la vivons comme des poissards de la vie.
Il y a un an et demi, j'aurai pu crever du sida.
Il y a un an je m'accrochai à mon désir d'enfant.
Il y a 6 mois, j'espérai tomber enceinte.
Il y a 5 mois, je tombais enceinte.
Il y a 3 jours on me demandait de choisir entre le risque de le perdre ou le risque qu'il soit trisomique.

Il faut toujours un petit coup derrière la tête pour nous rappeler que le bonheur totale, ça n'existe pas. La sérénité non plus.
Il y en a pour qui la vie se déroule comme un tapis rouge, tranquille, sans accroche, et il y en d'autres pour qui les merdes et les angoisses sont un peu trop récurrentes.
Et ce matin, Thomas et moi sommes fatigués. Fatigués de ces récurrences.

La suite ?
Dans un mois, je refais une échographie pour confirmer ou infirmer la dernière.
Il faudra alors que je dise si oui ou non je veux faire cette amniocentèse.

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POST-SCRIPTUM de 13h
Question de mon généraliste :
Le risque que vous avez de vous faire écraser en sortant pour faire l'amniocentèse est de 1/245.
Que faites-vous ?

J'aime beaucoup mon généraliste.
ça + le petite commentaire de Sonia suffisent à me redonner le sourire...
On fait vraiment dire ce qu'on veut dire aux chiffres.

mardi 13 octobre 2009

Un film

Ce week-end, nous sommes allés au cinéma avec des amis.
Un film brut, passionné, un film sur la vie, tu pleures, tu ris... un film plein d'émotions.

Ce film se passe dans les années 90 et le personnage central est une femme révoltée, droguée, inadaptée aux difficultés de la vie...

J'aurai dû me douter en voyant ce gros plan sur la seringue injectée de sang... Mais je n'ai rien vu venir. Cette femme attrape le sida. Cette femme meurt du sida à la fin du film.

Je sers la main de Thomas, je le regarde. Je me mets à pleurer sans plus m'arrêter. C'est plus fort que moi. ça coule tout seul. Pourtant, je ne dois pas le montrer à mes amis. Ils ignorent tout. Je me cache dans l'épaule de Thomas, je me cache sous mon gilet, j'essaie de me calmer avant qu'on ne rallume les lumières. Je suis séropositive, j'aurai pu crever comme elle. Je me tortille sur mon siège, je ravale mes larmes, j'étouffe le bruit qui accompagne mes pleurs
Thomas réussit à retenir ces larmes, il est également retourné. Je bois de l'eau, je n'en peux plus.

Les lumières se rallument. Je suis parvenue à me calmer.
Je regarde Thomas : "Nous, nous sommes du côté de la vie", lui dis-je en souriant, une main sur mon ventre.