mardi 23 décembre 2008

Mon père...

Cette année, Noël revêt un goût particulier pour moi.
Je rejoins mon père et sa famille. Mon père et moi sommes les seules détenteurs de mon secret.
Premier Noël avec ce virus, premier Noël de mensonge : Tout va bien, physiquement et psychologiquement, je suis en forme !
Mon père a beaucoup souffert de cette annonce. A aucun moment, je n'ai imaginé lui cacher la vérité.
J'étais à l'hôpital quand je l'ai appelé un matin pour lui demander de venir me voir. J'avais une mauvaise nouvelle à lui apprendre. Il voulait savoir, tout de suite, là, au téléphone. J'ai refusé. J'ai toujours refusé d'annoncer les mauvaises nouvelles au téléphone. Il est arrivé le lendemain matin. Il était épuisé, inquiet. Sa nuit avait été blanche.
Mon père n'est pas quelqu'un d'anxieux, il est plutôt optimiste. Mort de proches, accident, problèmes financiers, problème de santé, d'amour... je l'ai toujours vu sourire, solide comme un roc.
Ce matin là, il s'est assis sur mon lit et m'a pris la main. Je l'ai regardé. J'avais imaginé 1001 façons de lui annoncer ça, mais aucune ne me convenait. Je savais que roc ou pas, ce serait un choc. Et j'ai pleuré. J'ai pleuré comme une petite fille dans les bras de son papa et je lui ai dit doucement entre 2 sanglots : "j'ai le sida...mais je ne vais pas mourir."
Je ne vais pas mourir... comme pour dire : tout va bien se passer, ne t'inquiète pas.
Il a baissé les yeux, m'a serrée la main et s'est levé. Il s'est posté devant la fenêtre, me tournant le dos. Et il a pleuré. Tout doucement. Je le regardais, dévastée de lui faire autant de mal.
J'ai voulu le rejoindre, le prendre dans mes bras, mais je l'ai laissé face à la fenêtre, respectant cet isolement douloureux. Ce moment a certainement été l'un des plus difficiles de ma vie.

Quand il est revenu vers moi, ses larmes avaient séché et j'ai commencé le même discours que les médecins m'avaient tenu : Je ne vais pas mourir, tri-thérapie, bébé...

Il a préféré repartir le jour même. Rejoindre sa femme, son refuge.
Ses derniers mots furent : "si je pouvais, je changerai de sang avec toi, je prendrai ton virus..."

Dans le train qui le ramenait chez lui, il m'a envoyé le plus beau poème d'amour qu'on ne m'ait jamais écrit.

4 commentaires:

  1. Cette relation avec ton père m'arrache des larmes aux yeux.
    Je me projette avec mon fils, et je crois que je comprends sa détresse...

    Tu as ô combien bien fait de ne rien lui cacher !

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  2. je suis bien emmerdé parce que j'avais pas prévu le waterproof aujourd'hui ... mon père est décédé il y a 8 ans aujourd'hui et je ne l'ai plus pour me serrer dans ses bras en cas de coups durs. ton père t'a fait une belle déclaration d'amour...

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  3. Je n'ai pas trouvé les mots pour vous répondre. Je suis aussi émue que vous... Et en relisant ce texte, mon cœur se noue...

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  4. Je découvre tout juste ton Blog
    Les larmes m'en viennent
    <3

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