jeudi 28 mai 2009

Triste anniversaire

Un an déjà. un an que je rentrais aux urgences éberluée, dans la totale incapacité à reconnaître l'état de santé lamentable dans lequel je me trouvais. Le médecin m'avait dit "prenez quelques affaires", je n'avais pas compris que j'y resterais 15 jours, j'avais attrapé une culotte, je l'avais mise dans ma poche et j'étais partie en ambulance sous respirateur. Thomas m'attendait à l'hôpital. Il est resté avec moi toute la nuit.

3 ou 4 jours plus tard, après un milliard d'examens plus désagréables les uns que les autres, on m'annoncera que je suis séropositive. Le trou noir s'ouvrira sous mes pieds. PAS-PO-SSI-BLE ! Je resterai estomaquée. Je pleurerai dans les bras de Thomas. Je découvrirai la puissance de l'amour. Je remonterai la pente doucement les yeux embuées de larmes et de culpabilité, accrochée à mon homme et à mon père dont les appels quotidiens m'ont indubitablement portée.

Ma charge virale était à 330 000 copies. Trois cent mille...
PAS-PO-SSI-BLE !
Aujourd'hui qu'elle est à 41 !

Est-ce que j'ai changé depuis ce jour ?

Je regarde des photos datant de plus d'un an. Avant que je ne sache. Je les regarde avec une pincée de nostalgie, comme un moment d'insouciance, comme si je me regardais enfant. Non pas que j'ai mûri depuis, mais plutôt que j'ai pris conscience de ma mortalité. Hier, je rejetais l'idée de mort très loin pour mieux vivre. Aujourd'hui, je l'accepte pour vivre. Je sais que je vais mourir, c'est collé à ma réalité.

Je me sens plus vulnérable, je me sens plus craintive. J'ai peur d'avoir encore des coups durs. J'ai peur de ne plus avoir la force. Même si je pense que nous avons tous des ressources insoupçonnables pour gravir toutes ces difficultés, je n'ai plus envie de souffrir. Et je sais que j'aurai d'autres coup de barre dans ma tête... La vie est faite ainsi, de haut et de bas, de yin et de yang, de sel et de poivre, le tout parsemé d'une touche de piment. Merci beaucoup.

Ce désir d'enfant n'est pas anodin. Il est nettement plus vivace. Il fait mal dans mes tripes, dans ma chair. J'en crèverai, comme je crève de jalousie devant tous ces ventres ronds. J'essaie de me résonner. Je culpabilise de détester à ce point ces filles. C'est extrêmement compliqué pour moi. La vérité est que je me déteste de ne pas pouvoir assouvir ce désir. Ce désir d'éternité. L'éternité dans le sens où la notion de temporalité n'existe plus. L'éternité dans le sens où l'existence continue après la mort. L'éternité pour moins redouter mon dernier jour.
Et aussi ce désir d'enfant pour exister socialement. Etre mère pour faire oublier que je suis malade, comme affirmer une identité qui aurait disparu avec ce virus.
Cet enfant c'est comme un question de survie.

Je philosophe avec deux francs, 6 sous...Je cherche à expliquer pour moins haïr ces femmes pour qui tout est facile, ces femmes qui entretiennent avec autant d'aisance le mythe de la mère parfaite.

Un an déjà. Un an que les médecins m'ont dit "vous avez le sida"

"Vous avez le sida, mais vous n'allez pas mourir."
"Vous avez le sida, mais vous pourrez avoir des enfants."

Un an que c'est devenu une urgence, un an que je crains une nouvelle catastrophe, un an que je mens, un an que je vis collée à la réalité de ma mort, un an que je pleure, que je ris, que j'aime... un an que je vis encore...

En vrai, ça va bien.
Oui, en vrai, je vais bien.

2 commentaires:

  1. Bonjour Elisabeth,
    je lis ton blog depuis quelques mois, et c'est la première fois que je commente. Je voulias te dire que je te trouve très courageuse et si lucide.
    Ton blog me touche, pour beaucoup de raisons, et j'espere de tout coeur que ton ventre va s'arrondir très vite....

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  2. J'ai honte de moi, je vous ai laissé un commentaire sur le fait que vous detestiez les femmes encinte car apparement vous n'aviez pas la possibilité d'en avoir, je vois en lisant que tout à évoluer, je suis très heureuse pour vous!

    J'ai honte car je n'ai pas pris le temps de lire votre blog avant de poster mon premier commentaire, je reste sans voix! Quel courage, quelle force! L'amour que vous partagé tout les deux est magnifique, et doit en faire rêver plus d'un! Bravo!

    Encore pardon de ne pas avoir pris ce temps!
    Mais je me suis ratrappée! J'adore votre écriture et je crois que je suis devenue une fan!

    Je vous en pris écrivez un livre!

    Emma

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