vendredi 28 novembre 2008

Le dentiste

200565386_007On m'avait prévenu : Les dentistes, parfois, refusent de soigner les séropositifs.
Super! Je me trimballe déjà avec la culpabilité d'avoir déconner une fois dans ma vie, je vais maintenant devoir affronter les accusations d'un dentiste !
Du coup, chez le dentiste, j'y suis allée à reculons. J'en ai choisi un jeune, en me disant qu'il ne serait pas trop rétrograde.

Résultat :
Pas rétrograde mais plein de pré-jugés !

Je vous raconte :
J'arrive un soir dans sa salle d'attente. Je suis en pleurs à l'idée de lui dire "bonsoir, je suis séropositive, mais soignez-moi, il y a pas plus de risques qu'avec un autre si vous respectez les mesures d'hygiène demandées pour tout patient; à savoir : gants, masque et désinfections des outils après le soin."

Je ne suis pas encore habituée à claironner : J'ai le SIDA ! J'ai du mal à le dire à voir haute. Alors en parler à un étranger qui risque de me jeter, ça m'a mis dans un état proche de la panique.

Quand il est arrivé dans la salle d'attente avec son grand sourire, il m'a tendu une feuille d'information à remplir. Dessus, il y avait la question: Êtes-vous séropositif? J'ai coché OUI ! Fastoche ! Mes angoisses étaient infondées... enfin presque.

Il me fait entrer dans son cabinet. Je pleure encore. Je lui explique que je suis angoissée, tout ça tout ça. Il me rassure, me dit que son 1er patient était séropositif, donc pas de souci. Les CD4, il connait, la charge virale, il cannait. Je commence à me détendre.il en connait un minimum et surtout il ne refuse pas de me soigner.

Là, où j'ai tiqué c'est quand il m'a dit :"par contre, je vais vous prendre en dernier RDV de la journée, comme ça après je peux désaffecter le fauteuil".
Là, j'ai pensé qu'il devait parler du fauteuil pour dire son matériel, ses outils.
Et puis en partant, il me pose des questions sur moi, le virus, mon mal de dos. Et il me sort que je devrais dire à l'ostéopathe que je suis séropositive à cause de mes effluves corporelles.
Euh?!? Mes quoi ? Je suis restée sans voix devant un tel préjugé, venant en plus d'un médecin!J'ai même pas pu riposter.
J'ai psychoté toute la semaine là-dessus ! Est-ce qu'il se rend compte de l'aberration d'un tel propos ? Nan, mais si mes effluves corporelles pouvaient contaminer, je ne pourrai pas dormir avec mon homme, je ne pourrai pas avoir chaud, pas faire de sport collectif, pas danser, absolument rien qui me fasse suer...Autant que j'aille vivre au Pôle Nord direct ! Et encore c'est pas gagné vues les restrictions de séjour imposées au porteur du virus.

Une semaine passe.
Je reviens voir le dentiste. Je suis donc son dernier RDV de la journée. Remarquez, moi, ça m'arrange par rapport à l'heure à laquelle je quitte mon travail. Et je lui fais remarquer. Mais bon quand même, son histoire d'effluves, je ne peux pas le laisser penser une telle bêtise.
Je suis tendue. Je veux lui expliquer que bordel, qu'il n'a pas à me traiter plus comme une pestiférée que les autres.

Je me lance, rigide sur le fauteuil, la tête droite, la posture de la nana qui va pas flancher :
-vous savez, je ne suis pas plus contaminante qu'un autre patient, dans la mesure où vous devez prendre les mêmes précautions avec moi et avec vos autres patients.
-oui, mais on ne sait jamais
-on ne sait jamais ? mais moi je vous ai dit que j'avais le sida parce que je suis au courant. Mais il y en qui ne le savent même pas. Et ceux qui ont des hépatites sont plus contaminants que moi. Donc pas la peine de désinfecter le fauteuil.
-oui, mais disons que je mets la ceinture et les bretelles (2x plus de sécurité avec moi)
-Pas plus qu'avec les autres patients.
-....oui, c'est vrai. VOus avez raison, mais c'est pour rassurer mon collègue qui est un peu rétrograde.
- Ah bon ? Bah heureusement que je ne suis pas tombée sur votre collègue. Il m'aurait jeté comme une merde.
- Oui, non, ....vous avez raison.

J'ai pu partir la tête haute.

Photo © 1999-2008 Getty Images, Inc.

1 commentaire:

  1. Génial moi même ressenti , j ai demande a mon généraliste de me trouver un dentiste de peur...

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