lundi 7 décembre 2009

Le malaise de ne jamais en parler

1ère séance chez la sage-femme pour la préparation à l'accouchement :

Elle nous pose pleins de questions...
De plus en plus intimes..
Et puis vient la question : "c'est votre 1ere grossesse ? pas d'IVG?"
Et nous : "bah non, il y a bientôt 2 ans...fausse-couche"
"Et à votre avis, qu'est ce qu'il y a déclenché cette fausse couche?"

Et là, on est gêné. On ne s'est pas concerté. Devons-nous le dire ou non ?
On se regarde. J'ai une grosse boule à la gorge comme à chaque fois que je dois l'annoncer.
Je propose à Thomas de le dire, il me demande de le faire.
Alors je me lance :
"Quelques mois après, j'apprenais que j'étais séropositive, je pense que c'est lié"
Mais cette boule dans la gorge reste bien ancrée.
La sage-femme détend l'atmosphère par une blague quelconque.

Dans la journée, je repense à ce moment.
A force de cacher ce VIH, de ne pas en parler, la moindre évocation est une douleur.
Nous vivons avec, Thomas et moi, mais nous en parlons très peu...
Nous en parlons rarement à notre entourage et c'est un secret pour 95% des personnes que nous côtoyons.
Nous redoutons la question : "alors tu vas allaiter?"
Nous redoutons la question : "pourquoi es-tu suivie dans cet hôpital spécialisé dans les grossesses à risques ?"
Et nous savons déjà que j'accoucherai par césarienne.
Nous savons qu'il y a des risques pour l'enfant.
Et tout ça est caché alors que ma grossesse est au centre de beaucoup de nos discussions avec notre entourage, comme pour toutes les femmes enceintes, j'imagine.

Ma grossesse n'est pas un long fleuve tranquille, stagnant dans la béatitude idyllique et aveugle de sentir son bébé bouger...
Ma grossesse est semée de doutes, d'angoisses et n'est en aucun cas sereine.
Et je ne peux pas en parler. Nous ne pouvons pas en parler.

7 commentaires:

  1. La grossesse est rarement totalement sereine, du fait de la part d'inconnu... de notre vécu des malaises s'il y a, de l'histoire familiale... et on ne peut pas tjs parler des ses angoisses avec les autres... Il y a des questions qu'on ose pas ou qu'on ne peut pas poser... Et chaque grossesse est différente alors les interrogations sont différentes... Je ne te listerai pas les peurs que j'ai eu et dont je n'ai pas pu parler...

    Par ailleurs la grossesse génére toujours beaucoup de curiosité de la part des autres, une intimité spontanée pas forcément souhaitée par la future maman,
    VIH ou pas, tu n'as pas à te justifier...
    Dans ton cas, le bib n'est pas forcément un choix mais il pourrait l'être sans que tu aies à expliquer pourquoi tu ne veux pas allaiter...
    La grossesse c'est l'histoire d'un couple, même quand le "secret d'alcove" devient très visible (gros bidon)...
    La grossesse idyllique c'est quand même très souvent un mythe.
    Et puis je vais être dure mais VIH ou pas, il y a toujours un risque tant que le bébé n'est pas dans tes bras... Et même, en tant que mère on est plus jamais sereine à 100%... et pourtant je ne suis pas des plus angoissées!!
    Le message que je voulais te faire passer, c'est que bien au dela du VIH, les questions que tu te poses sont celles de beaucoup de futures mamans...
    Et puis tu vis en france, sous traitement, tu as réussi à donner la vie, il faut continuer d'y croire.
    Essaie de profiter quand même de ton bébé dans sa bulle avec ton amoureux.... et surtout dors parce qu'après, un fois bébé là, c'est rapé!

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  2. Puis-je te suggérer une réponse quant à l'allaitement quand on te posera la question ?... C'est celle qu'une sage-femme m'a donnée quand je lui racontais la pression que je subissais de la part de mon entourage quand je disais ne pas vouloir allaiter (parce que moi, j'ai eu la chance de choisir de ne pas vouloir...): elle m'a dit "Mieux vaut un biberon donné avec amour qu'un sein donné à contre-coeur"...
    Je sais que pour toi la situation est tout autre, que tu aurais peut-être allaiter avec amour... Mais cela reste une réponse simple qui ne demande pas de justifications et qui te facilitera peut-être la tâche quand on te posera la fameuse question...
    Bon courage à vous 2 et une pensée pour votre bout d'chou.

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  3. Comme je te comprends. Ce n'est pas une maladie facile, vraiment pas.

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  4. Terriblement triste. Mais en même temps, l'histoire de plusieurs. Qui sont séropositives? Pas nécessairement. Qui sont terrifiées, et qui n'osent pas le dire. Comme moi, par exemple. Enceinte de mon troisième enfant. Il ne m'en reste qu'une, des deux autres. La première est décédée lorsqu'elle avait trois semaines de vie. Moi aussi, j'ai peur.
    Malgré tout cela, j'admire ton courage. Bravo. Il sera un enfant choyé.

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  5. Vous avez raison, je suis comme toutes les femmes enceintes : angoissée, flippée...

    Je tentais juste d'expliquer que je sentais que j'étais nettement moins sereine que d'autres.
    Et ce à cause du VIH.
    Je viens d'apprendre, par exemple, que lorsque j'aurai les contractions, au moment d'accoucher, il ne faudra pas que je traîne, il faudra que j'arrive très vite à l'hôpital pour qu'ils me mettent sous traitement anti-viral... pour ne pas contaminer l'enfant.

    Ceci dit, j'ai conscience qu'il y a des cas tout aussi dramatiques voire pires que le mien.
    Croyez-moi.

    Et j'admire aussi ton courage, Valérie.
    Le courage, on le trouve toujours quand il faut, me semble t-il.

    Bon week-end.

    Elisabeth.

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  6. ...
    Il faudra, je crois, un jour, briser ce silence.
    Il y a des passages comme ça dans la vie.
    Pour tous.
    Toi tu peux cacher ton secret.
    Les malades que je côtoie ne peuvent, eux, cacher leur leucémie, leur grave maladie.
    Certes, ça fait fuir le plus grand nombre.
    Ceux qui fuient ne sont pas des amis.
    Ca fait mal certes.
    Mais heureusement, il y a ceux qui restent.
    Il faudra un jour je crois que vous brisiez ce silence, pour être sûrs d'être entourés de ceux qui vous conviennent, de ceux qui vous aiment vraiment.
    Et pour pouvoir respirer, enfin.
    Tu vas avoir un enfant, les enfants font de secrets bien gardés des douleurs à voir et à entendre.
    Il faudra, un jour, je pense, que vous vous libériez de ce secret.
    Pour vous, pour lui, pour respirer.
    Courage...
    Amitiés,
    A.

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  7. Une grossesse n'est jamais évidente, ce sont des tonnes de questions pour les futures mamans. Mais tu as cette chance de l'avoir, la tienne.
    VIH ou pas, il y a des femmes, mêmes séronégatives, stériles. Elles ont encore moins de choix...
    Il y a toujours pire, il y a toujours mieux.
    J'ai une amie, séropositive et enceinte. Elle a caché le VIH juste un peu au début, à son travail. Etant prof pour des enfants, elle a eu peur qu'on ne lui retire son poste.. en pretextant autre chose bien entendu.
    Elle a finalement déménagé pour suivre son chéri et a un autre travail.
    Mais à part ça, elle l'a dit à tout le monde.
    Moi, son amie d'enfance, je l'ai su 3 semaines après elle. A mon retour de vacances. Elle me l'aurait dit plus tot mais avait peur de gacher mes vacances. Et tout le monde autour de nous a été au courant dans l'année. Les uns après les autres, le temps de se faire à l'idée de mettre tout le monde au courant.
    Depuis on en parle librement si on a des questions, mais la plupart du temps, en vrai, on s'en fout un peu. Tant qu'elle a son traitement, que ses taux sont faibles et qu'elle est heureuse.

    Et c'est beaucoup plus simple que les gens soient au courant. Pour elle et pour nous. Et c'est une preuve d'amour et de confiance de sa part de nous l'avoir dit. Et je la remercie pour ça.

    Faites un peu plus que ce ne soit plus un tabou.

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