jeudi 10 septembre 2009

Les potes

ça c'est passé le week-end dernier. ça a été fulgurant.
Un pote vient prendre un verre. Il nous raconte une anecdote quelconque.

Soudain, il lâche :
- il voulait pas m'approcher, je lui dis : "vas-y, j'ai pas le sida !"

Thomas et moi n'avons même pas échangé un regard. Nous sommes restés stoïques. Comme si de rien n'était.
Je comprends l'image utilisée, le sida fait fuir...ça en devient une expression. Fût un temps, il aurait dit "j'ai pas la galle", c'était pareil.
C'était pas méchant.
Juste une image.
Une image dans l'inconscient collectif ?

Il ignore que je suis porteuse du VIH, bien évidemment. Et il l'ignorera longtemps encore.

11 commentaires:

  1. Tu as raison,maintenant c'est juste une expression...on parle des fois sans réfléchir...Je me souviens qu'ado j'ai dit à une de mes cousines en chahutant : "C'est bon, chiale pas, tu la reverras ta mère!", une expression bète qu'on utilisait pas mal dans mon groupe de potes à l'époque. Or, sa mère, la femme de mon oncle, était décédée dans un accident quelques semaines auparavant....OUPS...Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi mal...Je me suis platement excusée...et heureusement, ma cousine me parle encore...
    Amicalement,
    Virginie

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  2. J'imagine que vos deux coeurs ont chacun manqué un battement...

    C'est d'autant plus terrible, que dans l'espprit de ton pote, ça n'avait rien de violent, de discriminant. C'est juste une expression...

    Un peu comme quand on rentre dans la chambre d'un ado en disant : "Mais c'est Beyrouth ici !".
    Le coeur d'un libanais doit se serrer (presque) de la même manière.

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  3. M'enfin, c'est pas très fin quand même. Le genre de choses idiotes qu'on pouvait dire adolescent, quoi... Perso, j'ai jamais entendu ça nulle part, ça me ferait tiquer gravement.
    Pas facile pour toi d'entendre ce genre de connerie, quand même...

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  4. Déconstruire les représentations… Inlassablement depuis les années 80… Sortir des clichés, éradiquer les peurs… Y'a du boulot mais je crois qu'on avance. Vraiment. En tout cas, on s'y emploie.

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  5. Vraiment stupide cette expression !! je l'a trouve même un peu dépassée...

    En ce moment un "vas-y, j'ai pas la grippe A !" aurait été de bon ton ;-))

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  6. Ca m'arrive souvent à moi aussi,j'ai l'impression qu'on régresse en ce moment.C'est comme un jeu de parler comme ça pour certains hélas,en plus il ne s'agit jamais de jeunes gens dans mon cas...La bètise humaine,que veux-tu!Courage...Courage....

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  7. "Thomas et moi n'avons même pas échangé un regard. Nous sommes restés stoïques. Comme si de rien n'était"

    J'ai appris à rester stoïque, à ne pas le regarder quand quelqu'un évoque le sida. Ne pas le regarder pour ne pas que l'on voit en moi ce qui me dévore et parce que je ne trouverai en lui de toute façon qu'un regard tout à fait neutre, qu'il a maitrisé depuis le temps mais peut être que moi non pas encore. ... Je ne veux pas qu'il voit que je souffre pour lui et par dessus tout je ne risquerai jamais de dévoiler le plus grand de ses secrets.
    Alors je ne le regard pas, je reste stoïque, et je souris aux autres comme si tout allait bien, comme si mon meilleur ami n'était pas séropositif.

    J'entends sans arrêt parler du Sida, et il me semble encore plus maintenant que je sais qu'il l'a. Mais jamais dans des paroles clichées expressions ou préjugés comme ce qui s'est passé avec ton pote. Sauf l'autre jour...

    Mes parents m'ont "bien élevés", dans le respect des autres, et en m'expliquant sans arrêts qu'il fallait me protéger, mais que de toute façon le sida ne se transmettait pas par contact physique, que je pouvait leurs serrer la main, m'assoir sur la même cuvette des wc etc... Normal quoi.

    Et puis l'autre jour, ma mère m'engeule parce que j'ai laissé trainer ma serviette de plage dans la maison sur mon lit, que c'est crade, "ne la met pas sur le lit, c'est crade, la plage la, avec tous les pouilleux, les sidateux..." Ma mère... ma propre mère... les "sidateux". Alors cette fois j'ai crié "les sidateux??? Comme si le sida pouvait se transmettre comme ça??? Mais comment tu m'as élevée?? Comment tu peux dire ça??" Bien sur c'était sorti tout seul, et elle a dessuite dit que ce n'est pas ce qu'elle voulait dire, que c'était sorti tout seul.

    J'ai laissé courir, j'ai pas insisté, je ne voulais pas qu'elle puisse se douter de quelque chose. Mais j'ai subit une blessure énorme.J'ai fait semblant de rien, j'ai souris et été ramassé ma serviette, mais j'ai été choquée, comment ma mère avait pu dire ça.

    Si elle savait que mon meilleur ami avait le vih, que je partage sa vie, que je l'embrasse le couvre de calin, que je l'aime comme je n'ai jamais aimé un ami, et que vih ou pas je continuerait à l'aimer même si toute la terre me sortaient des expressions aussi cons.

    J'en ait pleurée, parce que ma mère m'a déçue et parce que je me suis sentie rejettée comme si c'était moi la "sidateuse". Et rien que d'en parler j'en pleure encore... Ils ne se rendent pas compte de ce que ça fait...

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  8. Et que penser de ces publicitaires inconscients - criminels de l'âme - qui s'autorisent, au nom d'une certaine efficacité sémantique (qui reste à prouver) à comparer un séropositif à une migale, un scorpion ou à ... hitler?!!
    Après, je ne m'étonne pas des retombées dans l'inconscient collectif. Et je m'en désole...

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  9. Ces représentations mentales ne sont pas faites pour blesser, effectivement. Le pote ne sait pas que je suis séropositive, comme la mère d'Emma-H ignore que son ami l'es.

    N'empêche que ça nuit à mon souhait qu'un jour, le VIH ne soit plus tabou, secret.

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  10. Je découvre ton blog, et tes textes si émouvants !
    Il en faut du courage pour supporter tout ça, et les petites phrases qui font du mal sans le vouloir. Du courage et de l'amour...

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  11. Je découvre ton blog et enchaine toutes tes archives, aussi pardonne moi si je me permet de laisser des commentaires un peu partout...
    J'ai moi-même décide il y a longtemps (20 ans) de tout dire à ma famille et à mes amis, les nouveaux y compris, et je trouve que ça procure bien des avantages....le premier est de faire très rapidement le tri entre les gens tolérants et les autres ,bien que je t'avoue n'avoir que peu de réactions négatives, pour ma plus grande joie. De la curiosité parfois, oui, de la peur pour moi, le plus souvent mais vite oubliée à force d'en parler et de me voir heureuse et bien dans ma peau. Une autre des conséquences est justement de faire cesser ces petites plaisanteries ou expressions idiotes et assassines...dites le plus souvent sans méchancetés, mais par ignorence ou inconscience.
    De plus, pouvoir partager avec tout à chacun ce qui fait désormais parti de ma vie (que je le veuille ou non),est pour ma part d'un extrême confort, car le plus dur dans cette histoire finalement, ne serait-ce pas le secret, si lourd à porter? Je parle pour moi, evidemment, je ne voudrais pas faire de mon cas une règle absolue.
    D'ailleurs, le seul bémol que je m'accorde :les connaissances au collège de mon fils car j'ai toujours eu peur qu'on le stigmatise à cause de moi.
    Courage à toi, tu verras, tu finiras par rire de ces remarques ridicules (si! si! je t'assures!)

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