mercredi 25 février 2009

Je hais les femmes enceintes

Vous avez déjà vu une femme dire qu'elle n'a pas aimé être enceinte ?
Moi, je n'en ai connue qu'une seule. Ce mythe qui veut que la femme enceinte doit être en forme, épanouie, heureuse renvoie à celui de la mère parfaite. Si on est mal enceinte, comment sera t-on une bonne mère ?

J'ai entendu une femme me dire "je suis faite pour être mère !" tellement tout s'est merveilleusement bien passé pour elle. Tant mieux, mais cela implique que moi, qui ait fait une fausse couche il y a 1 an et demi, ne suis pas faite pour être mère. Imaginez un peu... une fausse couche et le VIH ! Je subis de plein fouet ce mythe délirant de la mère parfaite. Je vois tous ces regards se poser sur moi, m'interrogeant insidieusement sur la date de mon prochain statut de femme enceinte, ignorant tout de mon virus et des difficultés qui m'attendent.

Je hais les femmes enceintes. Je hais celles qui ont osé me demander ce que ça faisait de perdre un fœtus parce que ELLES n'avaient pas connu ça, parce que ELLES avaient eu une grossesse et un accouchement parfait.
MAL...ça s'est MAL passé. Mon cerveau se bloque et je n'ai que ce mot à la bouche MAL. Elles veulent quoi ?
Que je leur raconte ce que ça fait d'attendre dans une salle remplie de femmes enceintes qui sourient béatement alors qu'on a un fœtus mort dans le ventre ? Que je leur explique l'injustice quand on vous demande de signer un papier disant que vous acceptez l'avortement ? La sensation quand on sent le fœtus s'écouler dans vos chiottes ? La douleur au fond de ses tripes quand on essaye de nous rassurer avec des chiffres bidons du genre 1 femme sur 3 fait une fausse-couche ! Super, moi, je n'en connais aucune. C'est toujours "tu sais bidule ? bah la fille de la cousine de son ex-mari....". Pourtant, je connais plein de femmes qui ont eu des enfants.

Je hais les femmes enceintes. Je les hais toutes. Même mes amies. Même celles de ma famille, de mon propre sang. Je les hais parce qu'elles me renvoient toutes les difficultés qui m'attendent quand enfin mes taux seront acceptables pour faire des enfants.

J'ai le VIH. Ce qui signifie que Thomas va récupérer son sperme dans une seringue et me l'inséminer; ça signifie que j'ai beaucoup plus de chance de perdre encore un fœtus; ça signifie enfin qu'il existe 1 chance sur 1000 pour que je lui transmette le virus... j'ai envie de pleurer. 1 malchance sur 1000... C'est peu, mais elle existe.

Je hais les femmes enceintes parce que je suis méchamment jalouse qu'elles puissent véhiculer avec autant de désinvolture le mythe de la mère parfaite pendant que je me débats avec ce putain de virus.

Je sais, la jalousie et la haine ne sont pas des sentiments très louables...D'autant plus, que je suis la fautive dans cette histoire, c'est moi qui ait chopé ce virus....Peut-être que je hais les femmes enceintes pour éviter de me haïr.

Pardonnez-moi. Aujourd'hui, je pleure sur mon sort et plaide coupable.

mercredi 18 février 2009

Mon psy

Depuis quelques mois je suis suivie par le psy de l'hôpital.
J'y vais le matin avant le travail. Ce matin, je me demandais ce que j'allais lui dire. Et puis c'est venu assez vite...

L'angoisse d'être enceinte. Je commence à intégrer le fait que j'ai le VIH, à l'intégrer comme une chose faisant partie de moi sans lui donner une importance débordante. J'arrive même, parfois, à ne pas y penser jusqu'à ma prise de médicaments. Mais je sais que je flippe d'être enceinte. Peur de mal supporter le nouveau traitement, peur de perdre encore un fœtus, peur qu'il soit mal formé, peur qu'il est le VIH, peur de l'accouchement, peur du regard des infirmières, etc. Je peux vous sortir 1001 angoisses.
Je me dis que c'est encore une épreuve à passer et après ce sera fini. Je n'aurai plus d'angoisses... ou moins.
Je dis "épreuve" mais j'en ai envie. Je le veux cet enfant...je le veux tellement que je vais l'appeler Miracle, je le veux tellement que quand des amis me parlent de leur enfant, de leur femme enceinte, ça me tord le cœur. C'est douloureux. C'est douloureux parce que j'ai perdu un fœtus surement à cause du VIH - j'ignorais alors que j'avais le virus - et c'est douloureux parce que ça se passe super bien pour tous les gens de mon entourage...sauf pour moi. ça ne pourra pas se passer sereinement. Ce n'est pas possible.

Alors pour le moment, j'essaye de rejeter toutes ces questions, toutes ces angoisses, et j'attends fin mars que le docteur me dise que je suis prête pour un nouveau traitement, une tri-thétapie adaptée aux femmes enceintes.

Attendre et prendre les choses comme elles arrivent... oui, c'est ça.

samedi 14 février 2009

Thomas

Les médecins ont mis quelques jours à diagnostiquer la pneumocystose, cette maladie opportuniste qui annonce qu'on a le sida. Avec Thomas, on attendait que le verdict tombe. Il était beaucoup plus inquiet que moi. J'ai ce côté insouciante, un peu perchée, qui le fait souvent halluciner.

Les médecins entraient parfois à 5 ou 6 dans ma chambre, à discuter entre eux de mes symptômes, à m'interroger, à émettre des hypothèses...Quand l'un d'eux a émis la possibilité de me faire le test de dépistage du VIH, j'étais hyper zen, persuadée qu'il faisait fausse route, tellement je me souvenais de mon dernier test, tellement persuadée de ne pas avoir merdé, peut-être même d'être au-dessus de tout ça...
Bref, la suite vous la connaissez...(cf cet article).

Quand j'ai appris que j'avais le sida, les médecins voulaient d'abord confirmer leur verdict. C'est comme ça que je suis restée toute une soirée avec Thomas à lui cacher la terrible nouvelle. Il venait me voir chaque soir après son travail. Ce soir là, on regardait des séries sans importance à la télévision, et je passais mon temps à le caresser, à raconter des bêtises pour le faire rire. J'adore le faire rire. J'adore qu'il enchaine avec moi sur mes bêtises. J'étais persuadée que c'était la dernière soirée qu'on passait ensemble. Je me disais "il est jeune, il est charmant, plein de vie, il va partir quand il saura...il doit partir, partir pour vivre". Et tant pis si je retourne à mon célibat, si je finis vieille fille...de toutes façons, je vais mourir bientôt. J'étais triste, je ne réalisais pas l'ampleur de mes pensées mais je me souviens parfaitement que j'étais persuadée que j'allais mourir et que Thomas devait partir. Alors j'enfouissais mon visage dans son cou, pour sentir l'odeur de sa peau et m'en imprégner le plus possible, pour qu'elle reste un souvenir olfactif indéfectible.

Le lendemain, les médecins m'ont donc confirmé que j'avais le Sida. Comme prévu. Je ne m'attendais pas à autre chose. Alors, quand Thomas a appelé le matin, j'ai voulu soulager ses inquiétudes et je lui ai dit en m'efforçant d'être gaie "ça y est, ils ont trouvé ce que j'ai...j'ai une pneumocystose...mais on en parlera ce soir".
Ce que j'ignorais alors c'est que pneumocystose=sida...C'est écrit dans le formidable outil qu'est internet. Si vous tapez ce mot dans le moteur de recherche, vous tombez sur la définition suivante du wikipédia :La pneumocystose est une «infection opportuniste» due à un micro-organisme, Pneumocystis jiroveci (anciennement appelé Pneumocystis carinii). L'infestation à P. jiroveci est très courante dans la population générale, de l'ordre de 70%, mais ne conduit à une maladie pulmonaire que lorsque le taux de lymphocytes T CD4+ circulants est inférieur à 200/ml. Les deux types de patients concernés sont les greffés sous immunosuppresseurs et les patients séropositifs VIH au stade SIDA.

Et voilà...Thomas en raccrochant le téléphone, s'est immédiatement précipité sur Internet et il a probablement lu ça.
Une demi-heure plus tard, la médecin est entrée dans ma chambre et m'a dit :"J'ai votre ami au téléphone. Il sait. Il veut des réponses"
Je me suis agitée dans mon lit en disant qu'il ne devait pas apprendre comme ça, non, non, je voulais le voir pour lui dire...ça n'allait pas du tout...mon pauvre chéri.
Une demi-heure plus tard, je l'ai vu débarqué. Il avait quitté son boulot aussi sec. De ma chambre, je voyais les gens entrer dans l'hôpital, et je l'ai vu arrivé vite, tourmenté. Je l'ai vu rentré dans ma chambre avec cet air paniqué, et un brin de colère et il m'a sorti un truc du genre "qu'est ce que c'est que ces conneries?". Oh putain, c'était dur, un 2ème cataclysme. J'ai réalisé le mal que j'allais faire aux gens que j'aime avec mes conneries. C'est la 1ere fois que j'ai pleuré sur mon sort de malade. Et c'est au milieu de mes sanglots que j'ai dit "j'ai le sida". Il s'est précipité dans mes bras et il a pleuré. On a pleuré ensemble.

Revenus au calme, on s'est interrogé sur son sort. Peut-être que c'était lui qui m'avait infecté, même si j'avais l'intime conviction que c'est moi qui avait merdé pendant mes années de célibat... On s'est avoué notre fidélité et il a filé faire une prise de sang. Négatif. Je ne sais pas par quel miracle, mais il n'a pas été contaminé. Pourtant on copule sans préservatif depuis des lustres dans tous les coins, toutes les poses. Mais il n'est pas contaminé. Un soulagement. Il pouvait maintenant me quitter... mais il est resté, sans jamais se poser de questions sur l'avenir de notre couple.

vendredi 13 février 2009

Merci

Avec tout ma sensibilité, vos messages m'ont touchés.
Quand j'ai commencé ce blog, je savais juste que j'étais dans l'urgence, l'urgence de parler. Et puis ensuite, je me suis demandée à quoi ça servait si personne ne le lisait. Alors j'ai écrit à Sonia..Sonia semble extrêmement barrée, on est tous d'accord là dessus, mais extrêmement sensible et intelligente. C'est pour ça que je lui ai écrit...complètement intéressée. Et son accueil fût doux, chaleureux, comme vos messages...j'ai envie de chialer tellement ça me touche.
Si je vous dis tout ça, c'est parce que j'appréhendais la réaction des gens. Je sais que je recevrai des messages débiles et blessants en écrivant mon quotidien, mais je ne pensais pas recevoir autant de messages d'amour et de compassion. Savoir que vous ne jugez pas...comment dire...pffff...voilà...Tout simplement, merci.

Merci Sonia, merci vous tous.

Et je ne manquerai pas de passer vos messages à Thomas, qui connait l'existence de ce blog mais qui ne souhaite pas le lire, du moins pas encore.

Bonne soirée et à bientôt.